Le kairós, c’est pour le Philosophe "le juste milieu selon le temps" — autrement dit : le bon moment. L’homme pratique, ou le sage, est en effet chez les grecs celui qui sait non seulement quoi faire et comment le faire, mais aussi quand le faire. Pour le sage grec, pas d’action juste sans kairós. Il n’y a même pas d’intervalle entre ce savoir de l’action juste et cette action elle-même. La connaissance du kairós, c’est la réalisation de l’action juste, et la connaissance de l’action juste, c’est le fait de la réaliser au bon moment.
Mais comment parvenir à cette connaissance ? Comment savoir que le moment d’agir est arrivé ? Chaque instant est peut-être un kairós : comment savoir alors à quelle action ce kairós est bon ?
Que le voyageur porte ces questions, qu’il les sente le porter à chacun de ses pas. Et puis qu’il écoute, qu’il regarde. Qu’il ne pense plus. Lorsqu’il aura cessé de chercher, il se rendra compte que, depuis le début, tout avait été trouvé. Chaque instant est bien un kairós. Et chaque kairós est le bon moment pour une action parfaitement appropriée à l’inépuisable jaillissement de rencontres qu’offre, à chaque instant, le voyage.