Lorsque le voyageur avance, il ne sait jamais tout à fait où il est, ni par où il va passer — et ne cherche pas à le savoir. Mais il sait toujours vers où il va. Il marche sans but, mais il ne perd jamais le nord.
Le nord serait-il alors le point fixe, auquel se mesurerait tout déplacement possible ? On dira bien que le nord n’est pas un point, mais une direction, une orientation dans l’espace. Il n’empêche : s’agit-il d’une direction absolue, par rapport à laquelle se régleraient toutes les autres ? Ou cette orientation dépend-elle de chacun, dépend-elle du lieu et du moment ? Le voyageur l’a-t-il découverte, ou inventée ? En un mot : le nord est-il un repère transcendant au voyage, ou immanent à lui ?
Cette question pourrait remettre en cause le sens même de sa vie nomade, l’essence même de son voyage immanent — et pourtant le voyageur ne saurait y répondre. À ce sujet non plus, il n’a pas de certitude, et n’en recherche pas. La nature de l’étoile, le fonctionnement de sa boussole intérieure ne lui importent guère. Il sent, il sait seulement que l’étoile est là, et de quel côté elle luit. Même s’il ne la voit plus.
Et lorsqu’il l’évoque avec un compagnon de voyage, ils sentent, ils savent immédiatement qu’il s’agit bien de la même étoile. Qu’importe s’ils l’ont découverte ou inventée ! Le nord leur a permis de se retrouver.